Après 1870, il se produit, comme l’a souligné il y a cinquante ans déjà C. Digeon, une "crise allemande de la pensée française". En pédagogie notamment, le regard se porte sur les idées et les réalisations institutionnelles existant outre-Rhin. Les encyclopédies pédagogiques de Schmid, de Buisson puis de Rein se signalent comme des marqueurs importants des mutations conceptuelles et institutionnelles d’une époque fondatrice en éducation des deux côtés de la frontière. Les encyclopédies prennent acte d’un certain état des savoirs dont elles proposent une présentation ordonnée qui, au-delà d’une simple mise en forme, véhicule un système de normes et de valeurs plus ou moins explicites. Lieu où se dressent des bilans et où s’ébauchent des programmes, les encyclopédies pédagogiques fonctionnent comme des observatoires de ce qui se passe à l’étranger et comme des laboratoires de pratiques ou d’idées prêtes à être reçues. Il sera indispensable de revenir à l’origine des encyclopédies pédagogiques, pour voir comment la conception même de l’oeuvre et le détail des contenus a pu changer entre l’époque des Lumières (par ex. chez les piétistes et les philanthropinistes) et la Gründerzeit. Différences, échanges, et réception croisée autour de 1900 ne sont en effet guère compréhensibles sans le socle constitué des deux côtés par théories et pratiques éducatives depuis l'Aufklärung. Les destinataires sont-ils toujours les mêmes, quelles que soient les entreprises ? Le rôle joué par ces grandes entreprises d’édition dans la formation des maîtres et la constitution d’une culture professionnelle commune voire d’une opinion publique cultivée relativement à l’enseignement devra ainsi être interrogé.