Berlin, année zéro ? Atelier doctoral historique et topographique de Berlin occupé (1945-1949)

« Je ne le nie pas, je suis parfois saisi par le vertige absurde de l’Histoire, néanmoins je ne crois pas qu’il y ait une autre ville en Europe où l’on ressente aussi intensément le présent et la route qui y mène. », dans : Kertesz Imre, « Pourquoi Berlin » in Les temps modernes , éditions de Minuit, n° 628, Paris, p.20. Berlin incarne les bouleversements politiques du XX e siècle. Ville palimpseste par excellence, Berlin se construit, se détruit, se reconstruit de manière ininterrompue et dans laquelle des traces palpables de l’ancien demeurent sur la nouvelle trame urbaine. Peu de villes – et encore moins de capitales européennes - ont été objet et sujet de change-ments politiques si radicaux. Capitale politique de fait, Berlin devient, sous la république de Weimar, une métropole culturelle et aussi un lieu où s’expriment les oppositions politiques. Sous le Troisième Reich, la ville, à nouveau capitale, devient le centre incontesté du pouvoir, tant politique que culturel. Divisée en quatre zones d’occupation à la sortie de la guerre (1945-1949), Berlin perd son statut de capitale d’une Allemagne unie. 2015, l’année de commémoration de la fin de la seconde Guerre mondiale, a lancé de nombreux débats sur la guerre en elle-même. Avec cet atelier nous souhaitons y contribuer, en portant, à partir de l’histoire du genre, un regard particulier sur la ville et la société berlinoise d’après-guerre. Ainsi, nous proposons de revisiter la période de sortie de guerre à Berlin qui est un terrain propice pour observer les reconfigurations d’une société ayant subi et soutenu à différents degrés le national-socialisme et, plus particulièrement, celle des relations sociales genrées entre femmes et hommes. Pour l’Allemagne et tout particulièrement pour la ville de Berlin, la dictature nationale-socialiste et la Seconde Guerre mondiale ont constitué une période troublée pour les relations de genre oscillant entre expérimentation, violence et misère sexuelle. Si le nazisme et la guerre semblent à première vue avoir renforcé la séparation des sexes, ils ont en réalité largement contribué à déplacer les frontières de genre. Il nous semble donc pertinent d’étudier les contradictions et les complexités inhérentes aux comportements genrés et sexuels : quelles sont les interactions entre société, politique, liens familiaux et relations de genre dans le contexte spécifique de sorties de guerre ? Quelles sont les dynamiques sociales entre forces occupantes et la population civile de sexe féminin ou masculin ? L’intérêt de la catégorie de genre pour l’analyse des phénomènes guerriers et des conflits réside justement dans la place accordée aux relations de pouvoir. Relationnelle, multidimensionnelle et intersectionnelle, l’histoire du genre intègre différentes formes de domination : domination des hommes sur les femmes, domination de certains hommes sur d’autres hommes, mais aussi rapports de domination sociale et rapports de domination raciale. Elle permet de différencier les processus de hiérarchisation, de normalisation et de marginalisation et de penser ensemble l’espace, le social et le politique. Notre approche méthodologique relève de l’histoire du quotidien ( Alltagsgeschichte ), qui a très tôt placé au cœur de son programme de recherche l’examen des relations concrètes entre et à l’intérieur même des sexes. L’histoire du quotidien se présente comme une forme de micro-histoire en ce qu’elle permet d’analyser historiquement en profondeur les relations interpersonnelles. Par ailleurs, elle met en avant la perspective des acteurs et leur usage voire « réappropriations » (A. Lüdtke) de l’espace.

Organisation scientifique

Aurélie Denoyer (Centre Marc Bloch) et Elissa Mailänder (Centre d’histoire de Sciences Po)
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