Les figures tutélaires dans la prose et la poésie aux 20e et 21e siècles, entre filiation, rejet et création

Réseaux poétiques et postmodernité continuée (années quatre-vingt à nos jours)


Titre et date de la manifestation : « Les figures tutélaires dans la poésie et la prose de langue
allemande aux 20e et 21e siècles: entre filiations, rejet et création
» les 15, 16 et 17 juin 2021 à Metz


Dans le cadre du programme formation-recherche : Réseaux poétiques et postmodernité continuée (années quatre-vingt à nos jours)


Présentation :

Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu.
                                                            Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871


L’objectif de ce colloque CREG/CEGIL qui aura lieu à Toulouse les 28 et 29 janvier 2021 sera de proposer une approche diachronique de la notion de réseau poétique à partir d’une réflexion sur la notion de figure tutélaire envisagée comme incarnation spécifique d’un héritage culturel et spirituel qui est susceptible de susciter des processus variés d’appropriation, de transmission et de création littéraires. A travers cette analyse des rapports entre écriture et tradition littéraires, il s’agira de mettre en évidence l’évolution des divers modes de représentation et des fonctions de figures dites tutélaires dans la poésie et la prose du 20e et du 21e siècle. Dans le prolongement de la tradition antique de l’imitatio et de l’aemulatio, la notion de figure tutélaire sera tout d’abord considérée comme modèle au sens de maître ou de mentor spirituel qui, par la grandeur de son oeuvre, acquiert une fonction à la fois fondatrice et paradigmatique dans le monde des lettres. Mais elle sera aussi conçue dans un sens plus large, comme une « Leitfigur », c’est-à-dire comme une instance de référence librement choisie par les auteurs et érigée au rang de figure d'identification, de « frère spirituel » ou de source d’inspiration dont les oeuvres
constituent un idéal régulateur tout en ouvrant un horizon de nouvelles possibilités d’écriture. La
réflexion portera sur les rapports complexes qu'entretiennent les écrivains avec ces illustres figures du passé qu'ils envisagent non seulement sous l'angle de l'admiration ou de l'idéalisation, mais aussi sur le mode de la concurrence, voire du rejet. Si l’on prend en considération les diverses formes de filiations littéraires à l’époque moderne et postmoderne, on observe en effet une émancipation progressive à l’égard du modèle patrilinéaire au profit de l’adhésion plus au moins marquée à un modèle réticulaire, voire un refus de perpétuation de toute forme d’héritage ou de tutelle chez certains écrivains désireux de rompre avec la tradition.

D'un point de vue méthodologique, l'approche se distinguera de la traditionnelle critique des sources en privilégiant la notion de mémoire littéraire développée notamment par Renate Lachmann (cf. Gedächtnis und Literatur, 1990) et Judith Schlanger dans son essai La mémoire des oeuvres (2003) où elle met en évidence le processus fécond de circulation des noms propres et des oeuvres au sein de l’espace mémoriel de la littérature qui ne cesse d’interroger son rapport à la tradition. Dans cet ordre d’idées, on s’interrogera sur les diverses modalités de la création artistique dans la perspective d’une esthétique de la production. Le point de départ de la réflexion sera l'ouvrage d'Harold Bloom, The anxiety of influence (1973), qui développe dans une perspective psychanalytique une conception agonale de la littérature et considère les rapports entre l'écrivain et ses figures tutélaires assimilées à des figures paternelles, comme une "lutte poétique pour le pouvoir", une impitoyable mais féconde "psychomachie" dans le but d’accéder au Panthéon de la littérature. Il s'agira cependant de dépasser cette conception anhistorique et trop exclusivement psychologique de la production littéraire. En effet, si le concept de Einfluss-Angst s’applique à la revendication d’originalité et d’autonomie de l’écrivain propre à la modernité classique, on constate aussi l’émergence, après 1945 et à l’époque postmoderne, de nouvelles formes d’intertextualité et d’interauctorialité. La notion de Einfluss-Angst semble ainsi faire place à celle de Einfluss-Lust (cf. Uta Degner, Elisabetta Mengaldo: Der Dichter und sein Schatten, 2014) qui va de pair avec une nouvelle conception de l’écriture délibérément ludique, réticulaire et polyphonique notamment à travers le jeu avec la « bibliothèque ».
Cette analyse des rapports entre figure tutélaire et littérature impliquera également une réflexion sur l’influence en littérature, l’évolution de la notion d’auctorialité ainsi que sur la complémentarité lecture-écriture dans les divers processus de construction de l'identité littéraire et de réseaux poétiques par le biais de ces grandes figures de la tradition que Baudelaire a célébrées comme autant de « phares allumés sur mille citadelles » (Les Phares).


Comité d’organisation : Nadia Lapchine et Yves Iehl (Université Toulouse Jean Jaurès, CREG, EA 4151) Françoise Lartillot (Université de Lorraine, CEGIL EA 3944), Bernard Banoun (Sorbonne Université, REIGENN EA 3556), Achim Geisenhanslüke (Université de Francfort sur le Main), Werner Wögerbauer (Université de Nantes, CRINI, EA 1162)

 

Le programme est téléchargeable au format pdf dans la colonne de droite de la page.


Contact :
nadia.lapchine@univ-tlse2.fr
yves .iehl@univ-tlse2.fr
francoise lartillot@univ-lorraine.fr

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