Une femme face à l’Histoire: itinéraire de Raïssa Bloch, Saint-Pétersbourg - Auschwitz, 1898 - 1943

Pour la dernière fois, image adorée
J’ose te caresser en esprit […]
Reçois, oh lointaine amie,
Les adieux suprêmes de mon coeur,
Telle une femme au seuil du veuvage

Tels sont les mots que Michel Gorlin adresse à sa femme avant de monter dans le train qui le conduit de Pithiviers à Auschwitz, le 17 juillet 1942.
La veille, son épouse Raïssa, née Bloch, a fui la rafle du Vel d’Hiv et mis sa fille, Dora, à l’abri chez des amis. Ces deux jours de juillet 1942 ont scellé son destin.
Née en 1898 dans une famille aisée de la bourgeoisie juive de Saint-Pétersbourg, enthousiasmée par l’aventure bolchevique de 1917, Raïssa fuit à travers l’Europe de l’entre-deux-guerres, de Berlin à Paris, cherchant avant tout à se consacrer à ses deux passions : l’histoire et la poésie.
Son itinéraire est celui d’une exilée qui a rêvé de trouver en France un havre de paix. C’est aussi celui d’une femme qui, par sa seule naissance, voit l’étau de la persécution se refermer sur sa vie. Elle écrit, au seuil du départ de son convoi pour Auschwitz, le 20 novembre 1943 :
« Jusqu’à présent, rien ne nous trouble. […]
Au revoir. »

Agnès Graceffa a retracé le parcours bouleversant de cette figure oubliée de l’intelligentsia européenne, historienne du Moyen Âge, poétesse de la lumière, amoureuse passionnée et mère. Ce récit est celui de la lutte d’une femme pour la vie et pour l’art face aux tumultes de l’histoire du xxe siècle.

Historienne, collaboratrice scientifique à l’Université libre de Bruxelles, AGNÈS GRACEFFA est notamment l’auteure des Historiens et la question franque (Brepols 2009). Depuis plusieurs années, elle a collecté la correspondance éparse de Raïssa Bloch et, avec l’aide de chercheurs européens, russes et américains, rassemblé ses archives, afin de reconstituer sa biographie.