Cartographier les mondes possibles : les modalités à travers les catégories linguistiques

La modalité permet de situer un état de fait comme possible, souhaitable, souhaité, voulu, faisable etc. : c'est le domaine du virtuel, du possible et du nécessaire. L’étude des modalités s’inscrit dans plusieurs courants de pensée ressortissant à des disciplines diverses. Nous n'en citerons que deux exemples, d’une part une école dialogiste et énonciative très présente en France au moins depuis Benveniste, mais qui se revendique parfois aussi des travaux stylistiques de Bailly ou Bakhtine, et d'autre part, les approches formelles initiées par Angelika Kratzer dans le sillage de la logique modale et de la métaphysique des mondes possibles de David Lewis. Enfin, certaines approches cognitives cherchent une troisième voie combinant formalisation et intersubjectivité, en travaillant sur la notion de « théorie de l'esprit ». Les références mobilisées dans ce dernier cas de figure vont de la psychologie du développement à l'herméneutique de Donald Davidson.
Au-delà ou en-deçà des barrières disciplinaires, l'étude des modalités impose d'abord de franchir les limites catégorielles posées par la grammaire traditionnelle : celles des parties du discours. En effet, historiquement, l’étude des modalités a longtemps privilégié et privilégie encore deux classes de mots : les verbes dits modaux (p.ex. fr. pouvoir, devoir, all. können, müssen, sollen) et des marqueurs de type adverbial, particules modales (all. ja, doch...) ou modalisateurs (fr. sûrement, probablement, all. wahrscheinlich, sicher, bestimmt). La recherche en linguistique a, dans ces dernières décennies, dépassé les frontières catégorielles et étudié la modalité telle qu'elle s'exprime dans d’autres classes de mots : les adjectifs ou les groupes nominaux, en lien notamment avec le problème de l'article. D'autres études récentes en linguistique française et germanique ont illustré la porosité des frontières de la notion de modalité sur le plan du signifié : la modalité semble parfois se caractériser comme un effet diffus voire un phénomène émergent étroitement corrélé aux valeurs aspectuelles ou temporelles des formes verbales, mais aussi aux présuppositions d'existence mise en jeu par les quantifieurs, voire, dans certaines langues, à des phénomènes de diathèse. Partant de cette reconsidération des signifiés modaux, la journée d'études en appellera aux contributions de tous les champs disciplinaires concernés par le domaine des modalités afin de permettre un tour d'horizon des perspectives théoriques de la recherche sur ce sujet.
Dans cet état d'esprit intercatégoriel et interdisciplinaire, nous étudierons donc les phénomènes de modalités situés aux interfaces de plusieurs domaines. Sur le plan langagier, les phénomènes étudiés seront de deux ordres : d’une part, on s'intéressera aux constructions croisant plusieurs parties du discours ; d’autre part, on discutera des implications conceptuelles des formes d’expression non habituelles des modalités ainsi que des interactions entre la modalité et d'autres catégories, en synchronie comme en diachronie. En filigrane, il s'agira notamment de se demander dans quelle mesure les sémantismes modaux pourtant formalisables ne sont pas parfois des phénomènes secondaires, dérivés d'autres catégories radicalement hétérogènes. Il conviendra alors de s'interroger, y compris dans une perspective interdisciplinaire, sur les conséquences théoriques de ces questionnements et sur leurs implications sur le rapport entre les opérations cognitives universelles présidant à la modalisation et leur traçage dans les langues naturelles. Nous nous proposons donc de réunir des jeunes chercheurs issus de domaines et d'horizons théoriques et méthodologiques différents reflétant la diversité des approches des modalités en France et en Allemagne : sémantique formelle, théorie du langage, typologie des langues du monde. Pour plus d'informations, consulter l'URL (http://modal-oct2014.sciencesconf.org/resource/sponsors) associé au colloque junior "Cartographier les mondes possibles"

Contact et organisation

- Pierre-Yves Modicom, Université Paris-Sorbonne : (pierre-yves.modicom.1@paris-sorbonne.fr)
- Grégory Nardozza, Université Paris-Sorbonne


Cette manifestation est dédiée à Gregory Nardozza, co-organisateur du colloque junior « Cartographier les mondes possibles », décédé brutalement au mois de septembre. Grégory Nardozza était agrégé d’allemand, doctorant contractuel à l’Université Paris-Sorbonne, rattaché au CeLiSo et au CIERA. Ses recherches portaient sur « l’adjectif complexe dans sa fonction fondamentale de modifieur – étude comparée français-allemand » (sous la direction de Martine Dalmas). Le CIERA adresse toutes ses pensées à sa famille, ses proches et ses collègues.

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Université Paris-Sorbonne

Maison de la recherche

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