Création de frontières (border making) et violation de frontières

La vision générale des frontières est qu’elles cernent un territoire national homogène autonome et démocratique, constitué d’une législation, créé par un peuple, régi par un gouvernement étatique et pouvant s’appuyer sur un pouvoir de police et d’armée ; intégrité du territoire et souveraineté du pouvoir. Bien que cette vision soit simplifiée, idéalisée et historiquement peu probable -voire peu souhaitable-, elle guide l’idée ainsi généralisée d’une nation comme un espace culturel, juridique et exécutif homogène. Il y a une identité du gouvernement national-étatique, du territoire national-étatique, de la souveraineté nationale-étatique et du pouvoir national-étatique. Voici l’idée de l’Etat Nation (nation-state). C’est par ses frontières qu’un état est perçu et qu’on le conceptualise : qui ou quoi est inclus par l’Etat ou en est exclu, qui ou quoi a le droit ou non de passer ses frontières ? Les mécanismes de l’inclusion et de l’exclusion se montrent, les degrés de permissivité et de rigidité se perçoivent, la différence entre légalité et illégalité est faite. La littérature, notamment par les études de Bauer/Rahn ainsi que celles de Horn/Kaufmann et Bröckling , traite notamment de la mise en scène esthétique des frontières. La frontière est conçue d’une manière « dialectique ». On y met soit l’imaginaire en premier lieu et l’on voit la frontière réelle comme une conséquence qui en découle, ou à l’inverse on se concentre sur la contre-réaction créée par la frontière. A la ligne de démarcation stricte et précise, on oppose une zone frontalière étendue, éventuellement perméable sous certaines conditions, et à la fermeture des frontières on oppose des « violeurs » des frontières . Comment peut-on conceptualiser la frontière ? Notre point de repère est la mise en scène fictive cinématographique ou toute autre forme de représentation médiatique des frontières territoriales. Nous les percevons sous forme de couches différentes, de strates métaphoriques, enrichis par un imaginaire, que nous analysons tout en en focalisant sur la frontière territoriale. Nous essayons de penser ensemble les aspects épistémiques, conceptuels et topiques de la frontière, de manière à ce que la frontière territoriale puisse être comprise par une théorie de perception, de réflexion et de pragmatique.