Politiques temporelles : standardisation, régulations, pratiques et expériences

Depuis les travaux pionniers de Durkheim, Mauss, Hubert ou Elias, de nombreux auteurs en sciences sociales prennent pour objet d'étude le temps et les temporalités sociales. Mais un constat s'impose d'emblée à celles et ceux qui étudient cette littérature foisonnante : celui d'un manque d'unité d'ensemble. Chaque auteur se saisit en effet de la question de « notre » temps par un de ses aspects inédits, le plus souvent mis en relation avec un processus central de notre modernité : la laïcisation du temps avec le capitalisme marchand (Le Goff), la discipline temporelle avec le capitalisme industriel (Thompson), la synchronisation horaire avec la science moderne (Galison), la standardisation horaire avec la mondialisation (Bartky).

Ces liens ne sont jamais univoques et ne cessent d'être revisités. L'importance de la rationalisation de l'emploi du temps dans l'industrialisation, soulignée par Thompson, est, par exemple, replacée par Dohrn-van-Rossum (1997) dans la longue durée : celle de la régulation des marchés, des écoles et du travail dès la naissance de l'horlogerie à la fin du XIIIe siècle. De même, la standardisation du temps est comprise par Vanessa Ogle (2015) dans le cadre d'une mondialisation ambivalente, entre logiques de diffusion, d'imposition, d'émulation et d'adaptation.

Cette appréhension du temps en ordre dispersé ne doit pas décourager les efforts en vue d'une compréhension globale des dynamiques temporelles de nos sociétés contemporaines. En plaçant l'accélération du temps de la vie quotidienne, du changement social et des technologies au cœur de la modernité et de son emballement actuel, Hartmut Rosa tente un pas dans cette direction. Mais l'analyse de l'évolution de notre rapport au temps ne peut faire l'économie d'une approche empirique à même de dévoiler les spécificités des configurations sociopolitiques qui l'anime. Rosa formule d'ailleurs la thèse selon laquelle les questions d’harmonisation et de régulation temporelles sont toujours des questions de pouvoir. Les mesures de régulation du temps aux XIXe et XXe siècles imposent un nouvel ordre universel au quotidien des individus.

Problématique et objectifs du colloque

De nombreux jeunes chercheurs s'emparent aujourd'hui de ces questions en Allemagne et en France, renouvelant en profondeur ce domaine de recherche par l'investissement de terrains inédits. La plupart des travaux sur le temps ont été écrits jusque-là sur un registre abstrait, alors que les chercheurs contemporains tentent d’examiner des expériences horaires et temporelles plus concrètes. Ce colloque organisé à l'EHESS le 18 octobre 2019 offrirait la possibilité de réunir une partie de ces jeunes chercheurs et de comparer différentes périodes historiques, aires géographiques et pratiques temporelles pour mieux cerner les origines diverses du temps standardisé et les subtilités de son instrumentation politique. Car c'est bien là, dans l'intrication des rapports de pouvoir et des pratiques sociales, que se forme et évolue « notre » rapport au temps. La confrontation des cas d'études permettrait de mettre au jour les mécanismes sociopolitiques d'élaboration, de diffusion et d'instrumentation du temps standardisé.

Le colloque se déroulera en anglais.

Comité d'organisation

Felix SCHMIDT
Doctorant en histoire, Université de Heidelberg /EHESS-CESPRA
felix.schmidt@zegk.uni-heidelberg.de

Côme SOUCHIER
Doctorant en science politique, Laboratoire Pacte
come.souchier@umrpacte.fr

 

Publié le

Date

Lieu

EHESS
105 boulevard Raspail
75006 Paris
salle 7

Documents

Programme

Liens

Compte rendu sur https://ciera.hypotheses.org