Capitalisme historique et droit international

De la crise des réfugiés au changement climatique, du terrorisme international à l’accession de gouvernements d’extrême-droite, de l’augmentation des inégalités aux nouveaux conflits identitaires : les promesses de la globalisation économique libérale semblent être mises à l’épreuve de partout. Il en résulte que des réflexions sur les rapports entre économie et société, notamment à partir d’une critique plus radicale des bases du système capitaliste, sont de plus en plus présentes dans le débat public. Ce regain d’intérêt se traduit par exemple par un (énième) retour des écrits de Karl Marx, spécifiquement dans la presse allemande, française et anglo-américaine, en réaction à des critiques devenues célèbres des inégalités économiques dans les sociétés démocratiques-libérales à économie de marché, comme celles formulées par Thomas Piketty.

Dans le débat académique, alors qu’un nombre croissant de juristes internationalistes s’est intéressé dernièrement à l’historisation de leur discipline en quête d’autres avenirs possibles, l’analyse approfondie des origines et du fonctionnement du système de production capitaliste dans la formulation d’une critique juridique demeure encore trop restreinte. Au contraire, de nombreux historiens se sont intéressés au capitalisme et ont développé à cet effet des outils analytiques pour le comprendre, sans pour autant toujours accorder toute son importance aux spécificités du droit dans le fonctionnement de ce système historique.

Le colloque junior qui se tiendra les 18 et 19 janvier 2018 à l’Ecole de droit de Sciences Po, à Paris, dans le cadre du « programme colloques juniors » du CIERA portera sur le thème du « Capitalisme historique et droit international » et tâchera de combler ces lacunes. La notion de capitalisme historique, que nous empruntons à Immanuel Wallerstein (Le Capitalisme historique, La Découverte, 2011), renvoie à une analyse du système capitaliste en tant que processus historique spécifique fondé sur le principe d’accumulation continue du capital. D’origine historique, cette définition souligne les particularités du capitalisme comme construction sociale à plusieurs dimensions économiques, sociales, politiques et culturelles, pouvant être articulées à sa dimension juridique. Ce type d’analyses permet ainsi l’élaboration de perspectives interdisciplinaires, partant de la réalité matérielle du capitalisme pour analyser ses origines, son fonctionnement, ses enjeux actuels et la prospective de ses développements potentiels futurs. Ce colloque portera notamment sur la nature et l’évolution des institutions économiques et sociales, leur rôle dans les échanges et les circulations des personnes, des idées et des marchandises, ainsi que la façon dont les rencontres, les confrontations et les mélanges les ont façonnées.

L’intérêt d’un dialogue en ce sens repose principalement sur la perception du droit comme produit social jouissant d’une autonomie relative par rapport à d’autres disciplines économiques, sociales et culturelles. En effet, le droit produisant lui-même de cette façon des réalités concrètes, alors même que ce « produit social » constitue un instrument à propos duquel des acteurs sociaux s’opposent, ne peut pas être analysé de façon isolée. L’entrecroisement des voix issues de plusieurs disciplines est donc central dans l’entreprise de saisir la spécificité du droit dans la production du capitalisme historique tout en évitant de tomber dans des pièges analytiques tels que la tendance à réduire le droit à une superstructure, ou bien encore, la réduction de l’histoire et des analyses du droit à des éléments séparés du fonctionnement de la société. Le colloque réunira ainsi des juristes et des historiens, tout comme d’autres chercheurs issus des sciences sociales, en faisant appel aux approches diverses et complémentaires provenant de chaque discipline pour comprendre les formes d’organisation qu’a pris le capitalisme au cours du temps dans différents lieux et des différentes échelles. Les discussions seront ainsi organisées afin de confronter à chaque fois juristes et historiens travaillant sur des sujets connexes.

Les propositions de contribution devront s’encadrer dans les trois axes de réflexion suivants : 1) le droit international et les histoires de l’expansion du capitalisme; 2) l’histoire du droit international et les conflits politiques dans le capitalisme ; et 3) les histoires du droit international et les récits de la modernité capitaliste. Une publication d’un numéro spécial du Journal d’histoire du droit international sur le thème du colloque constituée de certaines contributions de ce colloque est envisagée.

Les propositions de communication de 300 à 500 mots indiquant l’axe dans lequel s’inscrit l’intervention et accompagnées d’un curriculum vitae doivent être envoyées avant le 15 octobre 2017 à capitalismehistorique.di@gmail.com. Les candidatures retenues seront notifiées au plus tard le 5 novembre 2017. L’anglais sera la principale langue de travail pendant la conférence.

Nous encourageons les candidatures des membres du réseau HeiParisMax, du Collège doctoral franco-allemand en droit public comparé européen et des chercheurs affiliés des centres d’histoire liés au CIERA. Le choix des participants sera effectué en respectant la parité entre hommes et femmes, avec une intégration équitable à la fois des intervenants issus des univers académiques français et allemand, et de ceux proposant des approches historiques et juridiques. Des candidatures provenant d’autres régions du monde sont aussi acceptées et encouragées. Une partie des frais de voyage et de séjour des participants sélectionnés sera prise en charge par les organisateurs du colloque.

Comité scientifique :
Lisa Herzog (Institut für Sozialforschung der Johann Wolfgang Goethe-Universitat)
Claire Lemercier (Centre de Sociologie des Organisations de Sciences Po)
Anne Peters (Max-Planck-Institut für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht)
Emmanuelle Tourme-Jouannet (Ecole de droit de Sciences Po)

Comité d’organisation :
Filipe Antunes Madeira da Silva (Ecole de droit de Sciences Po)
Robin Caballero (Humboldt Universität zu Berlin/ Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Alberto Rinaldi (Ecole de droit de Sciences Po)
Milan Tahraoui (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/ Max Planck Institut für ausländisches Recht und Völkerrecht)
Leonie Johanna Vierck (Max-Planck-Institut für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht)

Avec le soutien de :
Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne (CIERA)
Collège doctoral franco-allemand en droit public comparé européen
Ecole doctorale de Sciences Po
Ecole de droit de Sciences Po
Max-Planck-Institut für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht
HeiParisMax – Partenariat académique franco-allemand

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